Révocation de l’édit de Nantes

En 1685, Louis XIV révoque l’« Édit de Nantes ». Promulgué en 1598 par Henri IV, ce traité de tolérance permettait aux protestants de pratiquer librement leur religion. Celui-ci pacifie alors le royaume de France, ravagé, depuis 1562, par les guerres de religion et dont le massacre de la Saint-Barthélemy est sans doute l’épisode le plus connu[1]

Poussé sans doute par des considérations internes et géopolitiques (contre l’Angleterre et les Pays-Bas, notamment), le Roi Soleil abolit cet édit. Sa révocation provoque alors un exode de la population protestante hors du Royaume de France. Cette population, répondant au sobriquet apparu dans les années 1550 d’« huguenots » représentent alors environ 10% de la population française[2].

Arrivés de nombreux réfugiés huguenots au Locle et sur territoire neuchâtelois

La révocation de l’édit de Nantes pousse la population française de confession réformée à l’exil et ce malgré leur interdiction de quitter le territoire. Les routes du Jura et de la Broye constituent des voies de fuites importantes. Les habitants du territoire neuchâtelois, dont ceux du Locle, voient alors l’arrivée de nombreux réfugiés. Cette situation est d’autant plus problématique que cet afflux est significatif par rapport à la faiblesse du nombre d’habitants de la localité[3]. Les populations locales leur viennent alors en aide.

Le territoire neuchâtelois ne constituant généralement pas la destination finale de ces réfugiés, ces derniers bénéficient alors de la « passade », c’est-à-dire d’une aide ponctuelle et limitée, prenant la forme d’un modeste viatique (du latin viaticum, qui signifie pour le chemin). Ils reçoivent ainsi le couvert et le gîte pour la nuit. Les cultes sont l’occasion de récolter de l’argent en faveur des indigents et réfugiés. D’ailleurs, au XVIe siècle, Neuchâtel ne répond pas à la formule « un roi, une loi, une foi », qui prédomine notamment dans le Royaume de France. Les Neuchâtelois sont acquis à la Réforme, mais leurs souverains sont catholiques et proche du Roi Soleil.

Le territoire neuchâtelois est donc un passage nécessaire pour les réfugiés se rendant vers d’autres destinations économiquement plus favorables, telles que les régions alémaniques. Ainsi, au Locle, si le nombre de réfugiés fut nombreux, on ne recense, en 1712, que deux familles de huguenots[4], soit des foyers durablement installés. Reste que cet afflux même temporaire de ressortissants dut marquer les esprits et les échanges avec la population. 

Installation durable des huguenots   

À partir de 1707, Neuchâtel passe en main des souverains de Prusse. Depuis la promulgation de l’Édit de Postdam, ces derniers sont enclin à favoriser l’installation durable des huguenots sur le terre[5]. Une politique protectrice de cette communauté est ainsi favorisée. La municipalité du Locle voit alors l’établissement progressif des Huguenots. La plupart d’entre eux apportent leurs savoir-faire et leurs connaissances. Ils contribuent non seulement à une augmentation de la démographie, mais aussi à améliorer la technique, les procédés de production et le commerce.

Photo : LELOIR, Maurice (1853-1940), Dispersion d’une famille protestante par les « missionnaires bottés », gravure, tirée de l’encyclopédie Larousse.

[1] Le massacre de la Saint-Barthélemy se déroula à Paris en 1572. Plusieurs milliers de protestants furent alors exécutés sur ordre de la faction catholique. Ce processus sanglant s’étend alors à une vingtaine de villes du royaume. 

[2] BRIDEL, Marc, « Sur les traces des réfugiés huguenots à Neuchâtel ». In Bulletin de la société neuchâteloise de généalogie (SNG), n° 57, Corcelles, 2017, p. 3.

[3] LYMANN, Catherine, Le Refuge huguenot au Locle, 1685-1720, Mémoire de licence, Neuchâtel, 1984. Cité par Quadrioni, Dominique, « Le passage des réfugiés huguenots et vaudois à Neuchâtel au XVIIe siècle », Revue d’histoire suisse, vol 36, 1986, p. 314. 

[4] Scheurer, Rémy, « Les réformés français dans la région de Neuchâtel (XVIe–XVIIIe siècles) ». In Bulletin de l’Association suisse pour l’histoire du Refuge huguenot, n° 28, Saint-Gall, 2007-2008, p. 4.

[5] BRIDEL, Marc, p. 7.

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